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maionhe dans tous ses états !
6 juin 2010

NOUVELLE

Bonjour à tous,


Je vous propose aujourd'hui une nouvelle de ma composition. Bonne lecture, et n'hésitez pas à me donner votre avis.


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Le bel oiseau ?

 

 

 

7 h : Voix métallique de l’horloge. Réveil difficile. Sensation désagréable, prémonition funeste, attention, aujourd’hui : danger. Parce qu’à chaque fois que je l’ai ressentie, ça n’a pas loupé : le bol de café sur mon pantalon blanc et qui , en plus, me brûle (des cloques pendant trois jours) , je vous passe le Schumacher du quartier, il grille un feu et emporte avec lui mon aile avant gauche ; et dernièrement la collision fortuite avec un serveur (dommage il était mignon) au détour du zinc du « p’tit bistrot » et qui, bien entendu, tenait un plateau rempli de boissons qui sont venues s’étaler sur le sol dans un grand fracas de verre. La honte ! Du coup, ce matin, je ne me sens que très moyennement rassurée. Il va falloir être vigilante, surtout que ce soir j’ai rendez-vous avec le bel Emmanuel. Deux mois que j’attends ça ! Bon d’accord, il n’est pas encore dans mon lit, mais j’espère bien, au moins, un long baiser de cinéma. Vivement dix-huit heures.

 

 

8 h 50 : J’arrive au boulot. Jusque là tout s’est bien passé, j’ai même trouvé rapidement une place pour ma voiture. C’est louche, vais-je le payer doublement ?

J’entre fébrilement dans le cabinet. Et si le mauvais pressentiment concernait mon travail ? Un patient pénible ? Un taré qui veut me découper en morceaux avec mon bistouri ? Ou pire, ma patronne qui a décidé, une fois de plus, de venir m’enquiquiner : et pourquoi ci…et pourquoi ça…et gnagnagna. Celle-là, c’est vraiment une plaie. Heureusement il y a Suzann, la secrétaire. Sympa, toujours de bonne humeur et surtout, dotée du légendaire flegme britannique, fort utile avec les patients.

Comme elle me voit jeter des regards furtifs en direction de la porte de ma très chère consoeur, elle abrège mon supplice : « elle n’est pas là. Tu sais, la formation diabète… » S’il y a un dieu de l’employé c’est sûr, il est avec moi aujourd’hui. C’est toujours ça de pris. Je respire mieux et regarde maintenant l’agenda avec appréhension. Y a-t-il, dans cette suite de noms, des fâcheux potentiels ? Le nœud dans mon ventre proviendrait-il d’une de ces personnes ?

-Mme Le Corre, non ; Mme Nedellec, chouette je vais avoir des chocolats ; Mr Moal, connais pas (serait-ce lui ??) ; Mme Marioz, non ; Mme Kerhapp, houhou, méfiance, celle-là pinaille parfois ; Mr Rinpré, oh lui, il est absolument charmant ; Mme Loirret, ah zut, j’en suis certaine maintenant, c’est elle ! A chaque fois, j’ai droit à des remarques, à des  « oh, doucement voyons, vous me faites mal ! Quelle brute vous êtes aujourd’hui ! » et curieusement elle revient toujours. J’en ai des sueurs froides quand je la soigne. Et dire que je termine ma journée par ce cerbère en tailleur Chanel !

Heureusement qu’après, j’ai ma petite récompense. Ah… Emmanuel…

La pédicure attentionnée que je suis a dorloté mesdames Le Corre et Nedellec. J’ai eu droit à mes chocolats, fourrés au café, mes préférés. Attention aux kilos dans les fesses, quand même.

Entre Mr Moal. Restons sur nos gardes. La cinquantaine, distant, il me sort une tonne de radios pour m’expliquer des douleurs saugrenues au pied droit. Hou la la…le voilà le problème, me dis-je. Et puis, non. Après un examen minutieux pendant lequel mon patient se déride, je conclus simplement. Semelles pour jeudi. Il me quitte enchanté.

 

 

Pause café-chocolats fourrés avec Suzann. Comme nous ne sommes que toutes les deux, elle s’étire en longueur. Une fois n’est pas coutume. Mais déjà il est temps de reprendre notre labeur qui se poursuit, pour moi, dans l’atelier. Au programme, trois paires de semelles à terminer.

Vite je coupe, vite je ponce, vite je colle sur fond de musique rock que crache le poste de radio. J’en aurais presque oublié cet affreux pressentiment si, à l’instant de refermer le tube de glue, le pinceau ne m’avait échappé des doigts pour venir s’écraser par terre. J’ai juste eu le temps de l’esquiver. Etait-ce là ma prémonition ? En tout cas j’ai frôlé la catastrophe et me promets d’être plus attentive pour le reste de la journée.

 

 

12 h 30 : il fait très beau ce midi et c’est l’esprit badin que je descends au port de commerce. Je vais rejoindre ma copine Marie pour déjeuner « aux quatre vents ». Sur le port, agité par le tournoiement incessant des goélands dans le ciel et le va-et-vient des navires sur l’eau, les terrasses des restaurants sont déjà bien remplies. C’est sûr qu’ici il faut profiter du moindre rayon de soleil quand celui-ci daigne se montrer. On ne peut pas dire que Brest soit réputée pour son climat! Alors Marie et moi en profitons un maximum, lunettes noires sur le nez, cigarette dans une main, kir dans l’autre, en train de faire nos pestes à mater les manutentionnaires du port en marcel blanc et jean moulant.

J’évite le plat du jour : moules aux curry. J’adore ça mais alors que j’allais commander ce régal, une vision d’horreur m’arrêta brusquement : un mollusque récalcitrant projetant son jus orange sur la jolie petite robe noir que j’ai payée une fortune pour mon rencard de ce soir. Et plus je vais essayer de la nettoyer, plus la tache va s’étaler et ressembler à un gros crachat. Magnifique ! Sans oublier l’odeur ; un bonheur. C’est sûr qu’avec ça, pas de doute, Emmanuel va craquer.

Non, non, surtout ne prendre aucun risque. J’ai cherché pendant trois jours LA tenue sexy mais pas vulgaire qui ferait chavirer n’importe quel homme normalement constitué, j’ai passé deux heures chez « Josy coiffure » afin de rendre présentable mes cheveux filasses, plus une heure ce matin à jouer du fond de teint, blush et autre mascara pour ne pas tout foutre en l’air à treize heures devant des moules de bouchot ! Je me rabats sur une tarte aux poireaux, inoffensive.

 

 

14 h 30 : Mme Marioz quitte le cabinet avec des pieds neufs. Et c’est, un peu tendue, que j’accueille Mme Kerhapp. Pourvu qu’elle soit dans un bon jour…Mon appréhension matinale me reprend. Je suis sur mes gardes, concentrée, le geste précis, rapide, efficace, la parole aimable et le sourire de rigueur. Et tout se déroule à merveille, la patiente ressort satisfaite.

Mr Rinpré arrive, essoufflé, se confondant en excuses pour trois minutes de retard. Quel vieux monsieur délicieux. En un clin d’œil le voilà assis sur le fauteuil. Il me raconte alors tout un tas d’histoires drôles sans oublier, bien entendu, les dernières anecdotes du quartier et de ses habitants. C’est qu’il est un peu commère à ses heures. Malheureusement les meilleures choses ont une fin et Mr Rinpré me quitte, l’oeil malicieux en esquissant un sourire. Maintenant il va taquiner Suzann pendant un quart d’heure avant de rentrer chez lui. Je vais les entendre rire tandis que je serai aux prises avec une gorgone.

 

Allez courage, une demi heure de supplice, c’est vite passée. Méthode coué, car cette demi heure je l’ai sentie ne pas passer justement. Plus cette vipère me suppliciait, plus l’horloge ralentissait. J’ai essayé de respirer profondément et doucement afin de ne pas avoir des suées qui auraient ravagé mon rimmel et anéanti les efforts de mon déodorant. Je ne peux pas me permettre de me présenter devant l’homme de ma vie dégoulinante de transpiration et empestant la sueur. Allez, allez, respire ma fille. Et surtout, ne pas regarder cette Méduse !

 

 

17 h 45 : mon calvaire s’arrête enfin… J’ai vraiment besoin d’un sopalin pour mes aisselles et d’une clope. Pff….la première bouffée est un bonheur. Avec ça un petit chocolat de Mme Nedellec, je l’ai bien mérité …

Je souffle enfin. Ça y est. La journée de travail est terminée, je sens mes craintes se dissiper. Après un rapide rangement, je claque la bise à Suzann « Bon week-end, à lundi » et referme la porte derrière moi. Tout est en place : la tenue impeccable, la coiffure aussi. Un petit coup de parfum, du rouge sur mes lèvres, je troque mes ballerines pour d’adorables escarpins pailletés. Les premiers pas sont hasardeux avec huit centimètres de talons mais je me sens légère, sereine. Le mauvais pressentiment s’est envolé, c’était une fausse alerte.

 

 

Le soleil darde toujours la ville de ses rayons tandis que je pousse la porte de l’immeuble. J’aperçois Emmanuel, en face, sur le trottoir, terriblement attirant dans sa veste Armani grise, des lunettes Pilote sur le nez, nonchalamment adossé à un réverbère. Et moi, affriolante dans ma petite robe noire, apprêtée, maquillée, manucurée même, je fais un pas dans sa direction.

Je suis stoppée dans mon élan. Un liquide visqueux, grumeleux, jaunâtre et sentant fort l’excrément tombe sur mes cheveux, glisse sur ma joue et vient s’écraser sur mon bustier.

Un goéland vient de me déféquer dessus...

Sur le trottoir d’en face, Emmanuel éclate de rire.

 

 

 





 

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Commentaires
A
La suite, la suite ??!!! Emmanuel éclate de rire et part en courant, ou bien, Emmanuel éclate de rire, sort son 45mm, chope le Goéland, fait une cascade, sort son mouchoir blanc immaculé et vient à ta rescousse ! dans les deux cas, la glace est brisée ;)
maionhe dans tous ses états !
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